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Sécheresse
Des déficits fourragers considérables mettent à mal l’élevage bovin

Une mission d’enquête désignée par le préfet est venue cette semaine estimer les pertes fourragères. La profession espère voir le département classé en calamités agricoles.

Mardi, à La Chapelle-Aubry. La commission est passée dans les parcelles de maïs sinistrées de Jean-René Vincent, éleveur de blondes d’Aquitaine.
Mardi, à La Chapelle-Aubry. La commission est passée dans les parcelles de maïs sinistrées de Jean-René Vincent, éleveur de blondes d’Aquitaine.
© AA

En maïs  non irrigué, les meilleures situations que nous avons vues sont à 50 % du potentiel agronomique. Nous avons vu aussi des endroits où l’on se demande s’il est nécessaire de passer l’ensileuse », confiait Pascal Gallard, président du pôle élevage de la Chambre d’agriculture, mardi, lors du passage du comité d’experts “calamité sécheresse”, dans les Mauges. À la demande de la profession agricole, une mission, conduite par la Chambre d’agriculture, a été désignée par le préfet afin d’estimer les pertes en fourrages sur l’ensemble du département. Mardi, le comité a arpenté des parcelles du sud Loire, jeudi, il devait se rendre dans le Segréen. Les dégâts causés par la sécheresse sont considérables, aussi bien sur l’herbe, que les céréales et le maïs ensilage. Ils privent de fourrage les éleveurs bovins et mettent à mal les trésoreries.
Pascal Gallard cite le cas d’exploitations de Saint-Rémy-en-Mauges, particulièrement sinistrées : « Nous avons vu une parcelle de 16 hectares de maïs ensilage dont le rendement est estimé à 3 ou 4 tonnes de matière sèche/ hectare. Le déficit fourrager est de 120 tonnes de matière sèche. Si l’éleveur achète ce fourrage, à 80 euros la tonne, il lui en coûtera près de 10 000 euros ».


Pas de pluie
depuis le 19 mars

À La Chapelle-Aubry, le groupe d’experts s’est arrêté sur l’exploitation de Jean-René Vincent, qui élève des blondes d’Aquitaine. L’éleveur a semé 12 hectares de maïs, non irrigué.  Sa parcelle de 7 hectares, semée le 4 juin après un ensilage de ray grass, donnera au mieux deux tonnes de matière sèche par hectare, si l’éleveur décide de l’ensiler. « On aurait mieux fait de laisser cette parcelle en prairie, se dit-il après-coup. Dans ces terres très dures à implanter, le maïs a pris du retard au moment de la levée et depuis il végète ». L’eau a manqué : « la dernière journée de pluie, ici, c’était le 19 mars, a noté René Vincent, le père aujourd’hui à la retraite. Depuis, nous n’avons eu que quelques millimètres, mais c’était de toute façon trop tard ». Conséquence, les stocks de nourriture s’amenuisent et l’éleveur décapitalise. Jean-René Vincent vient de vendre douze vaches sur son cheptel de 130 animaux. « Habituellement, on les aurait engraissées ». Michel Brossier, éleveur et membre de la mission d’enquête, comprend la décision de l’éleveur : « C’est un raisonnement de bon sens au niveau individuel évidemment. En revanche, du point de vue du marché de la viande, on se tire une balle dans le pied en décapitalisant ».

Systèmes ray-grass et
maïs ensilage pénalisés

En maïs ensilage, en général, les sols non exploités au printemps s’en sortent mieux (entre 25 et 50 % du potentiel agronomique) que ceux exploités en ray grass par exemple : les rendements se situeront à 20 % du potentiel. « Les agriculteurs en système ray-grass maïs ont pris de gros bouillons. L’herbe a mal poussé et le maïs semé tard n’a pas décollé », confirme Christophe Beautrais, agriculteur au Bourg-d’Iré. Dans son secteur du Segréen, les déficits en fourrages se situent entre 30 et 50 % dans la plupart des exploitations, voire jusqu’à 60 % dans certaines. « Les éleveurs laitiers ont la possibilité de rallonges cette année. Mais ils se demandent  comment ils vont faire pour produire plus avec des fourrages en moins ». Les situations devraient être très tendues cet hiver, surtout au premier trimestre, moment le plus creux pour l’alimentation des animaux. La question de l’engraissement des animaux de réforme va se poser, et les éleveurs risquent, tout comme en viande, de devoir vendre des animaux de manière anticipée.  « Il est fortement conseillé pour les  éleveurs d’établir des bilans fourragers avec l’aide de techniciens, afin de se donner des perspectives et de ne pas se trouver complètement à court de fourrage », souligne Alain Cholet, président de la Fédération départementale laitière et également membre de la commission calamités. Dans cette optique, chaque semaine des techniciens de la Chambre d’agriculture proposent dans l’Anjou agricole des conseils et des pistes pour remédier au manque de fourrages (en page 15 dans l'Anjou Agricole du 3 septembre).

S.H.

Interview de Michel Brossier, éleveur de charolaises à Vihiers

« Déficits fourragers : décapitaliser ? Oui, mais en douceur »

Quelle est la situation actuelle des besoins fourragers d’un producteur de viande bovine ?
Michel Brossier : c’est une année catastrophique et la quatrième consécutive pour la viande bovine. La crise des revenus se cumule à la sécheresse. Nous avons un manque de récolte en herbe (ensilage, foin, enrubannage) soit 40 % de moins qu’une année normale. À cela s’ajoute une diminution de la récolte de paille (- 30 à 50 %), la matière active qui nous sert de fumier. Et la rareté entraîne une surenchère des prix, notamment ceux des céréales, donc un achat supplémentaire pour l’alimentation des animaux. Pour la récolte à venir, l’ensilage maïs s’annonce alarmant.

Comment assurer les besoins fourragers pour l’année à venir ?
Au printemps, on se dit qu’il existe plusieurs leviers mais plus on avance dans la saison et plus on constate les mêmes conditions climatiques. Avec de l’eau en conséquence en août, on aurait pu espérer des repousses d’herbe à l’automne. Il existe des cultures alternatives (colza, ray-grass italien…) mais cela dépend toujours de l’irrigation et de la météo. Et sur des exploitations moyennes en polyculture comme la mienne, la marge de manœuvre est limitée pour consacrer plus de terres aux cultures fourragères. D’autres leviers sont à envisager comme des coups de pouce des pouvoirs publics ou un prix significatif de la viande bovine.

La décapitalisation est-elle une bonne solution ?
Les deux pires choses pour un éleveur, ce sont de ne pas pouvoir payer ses factures et de ne pas pouvoir nourrir ses vaches. Des ajustements s’imposent avec la suppression d’animaux improductifs comme une vache qui n’a pas de veaux. Mais diminuer son effectif
signifie une baisse du chiffre d’affaires. L’augmentation des réformes doit se faire en douceur car elle est à double tranchant si l’offre est
supérieure à la demande.

Propos recueillis par J. B.

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