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Syndicalisme
Jeunes agriculteurs explore des pistes pour retrouver la valeur ajoutée

Face à la crise, JA49 a choisi de parler d’économie. Le syndicat tenait son assemblée mardi, sur le thème de la commercialisation des produits.

François Arthus, Tiercé
François Arthus, Tiercé

Quand ils achètent le litre de lait entier à l’équivalent de 1 000 euros/tonne alors qu’il est payé au producteur 270 euros, les agriculteurs ne peuvent que constater que la valeur ajoutée des produits leur échappe en grande partie. Que faire pour se la réapproprier ? JA a mené la réflexion cet hiver et n’a écarté aucune piste. Le syndicat a exploré les possibilités offertes par les circuits courts, de plus en plus prisés des consommateurs-citoyens, que ce soit la vente directe à la ferme, les Amap*, les marchés, les associations de producteurs, les points de vente collectifs…  Ces circuits créent indéniablement de la valeur ajoutée sur les exploitations, participent au maintien à la création d’emploi ou à des perspectives d’installation. Ils viennent en complément des autres types de commercialisation, sans s’y opposer. Mais la vente en circuit court est un métier, elle exige de réelles compétences, comme l’a souligné Jean-Louis Lardeux, de la Chambre d’agriculture : « c’est un investissement lourd, il faut se former et savoir se remettre en cause ». Elle nécessite aussi une sérieuse étude de marché en amont pour bien connaître les débouchés. C’est pourquoi JA a souhaité que cet aspect débouchés et type de commercialisation fasse désormais l’objet d’une formation spécifique dans le cadre du parcours à l’installation.
En revanche, il serait évidemment « utopique » de considérer cette voie des circuits courts comme un débouché pour tous les producteurs, estime JA49. À ce jour, rappelle le syndicat jeune dans son rapport d’orientation, « plus de 70 % des produits de la consommation alimentaire passent par les GMS (Grandes et moyennes surfaces) ».

Une huitième centrale d’achat, pourquoi pas ?
Le déséquilibre du rapport de force se résume dans ces trois chiffres : 620 189 exploitations agricoles, 10 568 entreprises de transformation, et seulement sept centrales d’achat. JA lance alors l’idée d’une huitième centrale d’achat, qui serait, elle, aux mains des agriculteurs, et qui regrouperait une offre importante de produits transformés de qualité. Comment ? « Des contrats producteur- transformateur-distributeur pourraient être passés en tenant compte des problématiques de chacun. » Un projet « réalisable, estime JA, si cette centrale coopérative de distribution regroupe un volume important de produits de qualité et incontournables ».
JA développe un certain nombre d’autres pistes : elle propose de regrouper l’offre par des regroupements de producteurs, sur le modèle par exemple proposé par la FNPL (lait) de l’Ouest, qui pourrait s’appliquer à d’autres filières. « Il faut couper le lien direct entre producteurs individuels et entreprises », souligne JA, et créer des OP (organisations de producteurs). Les volumes seraient gérées par une AOP nationale et déterminés en concertation avec l’interprofession. Interprofessions auxquelles le syndicat souhaite redonner du pouvoir. Le syndicat envisage aussi l’organisation et l’adaptation des transformateurs vis-à-vis de la GMS : il imagine la création par les coopératives de plates-formes communes de vente. Pesant pour 40 % des industries agro-alimentaires, les coops pouraient ainsi contribuer à rétablir l’équilibre. JA invite aussi à explorer la voie de la différenciation : trouver des facteurs de différenciation pour les produits et les rendre incontournables vis-à-vis des GMS et faire ainsi que la force revienne dans les mains de l’industriel et, par la suite des producteurs.
« Mais encore faut-il que la loi donne les moyens de mettre en œuvre ces propositions, et que l’organisation collective ne soit pas assimilée à des ententes ou des cartels », a souligné Matthieu Herguais, un des quatre rapporteurs du rapporteur d’orientation. La LMA (Loi de modernisation agricole) qui sera votée après les élections régionales, nourrit de grandes ambitions en termes de compétitivité des entreprises agricoles, mais comment s’articulera-t-elle avec le droit européen de la concurrence ? Étienne Fabrègue, conseiller juridique à la FNPL, invité de l’AG, se veut prudent : « La LMA s’inscrit dans un ensemble juridique très complexe à Paris et à Bruxelles.  Elle n’est pas une martingale magique, de même que la contractualisation n’est pas une solution miracle. Elles donnent juste des capacités supplémentaires d’organisation ».

S.H.

*Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.

JA national

Stéphane Honorat : « C’est ensemble qu’on sera constructifs »

« En temps de crise, on peut être amené à se démobiliser , à se dire : “à quoi bon ?”. Cette attitude profite à tout le monde, sauf au producteur ». Pour Stéphane Honorat, seules la « réflexion et la construction collective » permettront aux agriculteurs de retrouver la valeur ajoutée et le retour sur investissement de leur production. L’administrateur national l’a dit haut et fort aux participants à l’AG de JA49, auxquels il s’est joint mardi. Au-delà des « effets d’annonce irréalistes, du type 400 euros /1 000 litres de lait, JA construit des choses concrètes, même si son travail n’est pas toujours suffisamment connu et médiatisé ».
À ce sujet, l’opération Nature Capitale, prévue à Paris du 23 au 25 mai, sera l’occasion d’une communication avec le grand public. Stéphane Honorat a invité les jeunes agriculteurs angevins à s’y rendre en nombre.

S.H.

Assemblée générale : Les interventions ont donné lieu à des échanges sur l’accès au foncier, l’environnement, les politiques et les relations au sein du réseau syndical.

JEUNES AGRICULTEURS : LES CANTONS AU MICRO

Le foncier. C’est François Arthus, du canton de Tiercé, qui a ouvert les débats par un sujet récurrent, mais essentiel : l’accès au foncier. « Nous savons les progrès qui ont été faits notamment concernant les maisons individuelles par rapport à la surface, a-t-il dit, mais nous sommes choqués par les innombrables zones industrielles qui poussent partout, dans tous les axes ». Il s’est appuyé sur cet exemple : en direction de Seiches et même jusqu’à Durtal, c’est 30 km de bordure de la nationale ou de l’autoroute qui se bardent de zones industrielles.
« Quand est-ce que l’on verra des ZPA (Zone protégée agricole)  pousser partout ? », s’interroge le jeune agriculteur. La question du prix des terres est également posée : « Que peut-on faire face à des personnes qui ne sont pas du milieu agricole ? Même lorsque la Safer nous aide, il faut s’aligner au prix du marché ».
Le sanglier est-il devenu le nouveau “roi des campagnes” ? Président du Louroux-Béconnais, Jérôme Maugeais a fait part de l’inquiétude autour du développement des domaines de chasse qui viennent concurrencer des installations en agriculture. « Dans certaines communes du canton, a-t-il expliqué, la proportion de ces domaines a pris une ampleur considérable ». Et de citer le cas d’une installation bovine tombée à l’eau malgré l’avis favorable de la CDOA, au profit d’un domaine de chasse. De plus, confrontés à de plus en plus de dégâts de cultures et de prairies, les jeunes demandent aussi à ce que la Fédération de chasse « canalise et régule son gibier ».

L’environnement. Dans le canton de Segré, la qualité de l’eau est un enjeu vital pour les populations, tout le monde en est conscient. Bruno Lebreton a voulu toutefois pointer les aberrations qui existent quant à la gestion de l’eau. L’augmentation des surfaces étanches (routes, lotissements, zones industriel-les…) a des conséquences pour l’agriculture : l’acquisition de foncier pour créer des bassins de rétention, et le recensement de zones humides encore existantes. Le classement de parcelles en zones humides, pour faire éponge, a pour effet d’interdire le drainage ou l’assainissement de parcelles, et d’obliger des agriculteurs à sacrifier une partie de leur capital.
Autre sujet abordé, celui de l’interdiction de l’abreuvement des animaux dans les cours d’eau, en vigueur depuis le début de l’année. Les jeunes se demandent comment valoriser les bandes enherbées obligatoires et se posent la question : « Est-il plus écologique de broyer ou de pâturer ? » Interpellé sur la question de l’abreuvement, Sylvain Marty, directeur de la Direction départementale des territoires s’est dit « d’accord pour examiner les situations locales où des problèmes insurmontables se présenteraient ». Sur la question environnementale, Frédéric Vincent, président de JA49 a tenu à préciser : « Nous avons tous en tête le développement durable. Celui-ci, comme un tabouret à trois pieds, est établi sur trois piliers, l’environnemental, le social, l’économique. Si un des trois est oublié, le tabouret ne tient pas debout et les agriculteurs le paieront à terme ».
Toujours en matière d’environnement, les jeunes de Chemillé ont voulu évoquer le projet de méthanisation à l’étude sur leur canton. Ils se sont engagés à réfléchir sur la valorisation des effluents d’élevage par ce moyen, qui permettrait de produire de l’énergie et d’assurer une bonne répartition des résidus sur le territoire afin de limiter les risques d’excès. Pour Fabien Rouiller, président cantonal,
« l’idée de mise en œuvre collective d’un projet de méthanisation apporterait une image positive à l’agriculture ».

Les pouvoirs publics. Un “coup de gueule” de Jérôme Jolivet, du canton de Saint-Florent-le-Vieil, contre le mal qui menace les agriculteurs mais aussi les commerçants et les artisans et qu’il appelle “le Cados : Capitalisme argent, défaillance, orgueil, Sarko”. Le jeune agriculteur aimerait bien que l’appel à l’aide d’urgence des agriculteurs soit aussi bien entendu par les pouvoirs publics que celui des banques qui ont bénéficié d’un soutien… Le président de Vihiers, Vincent Renault, est, lui, revenu sur le plan Sarkozy , qui, estime-t-il, « n’est qu’une solution provisoire ». Ce plan ne doit pas permettre à l’État de « repousser plus loin le problème en se désengageant, en laissant les industries agro-alimentaires et les GMS diriger le marché de façon unilatérale au détriment des agriculteurs ».
« L’État a le pouvoir de remettre les choses à plat avec la Loi de modernisation de l’agriculture et les négociations de la nouvelle Pac ». Mêmes préoccupations du côté de Montrevault : le président cantonal Bertrand Guérin cite l’arrêt des prêts spéciaux de modernisation, du CAD, pour souligner le désengagement de l’État et il se pose la « question de la défense des intérêts des agriculteurs par l’État, notamment dans les grandes négociations sur la Pac ». À ce sujet, « l’un des motifs de légitimation supplémentaires des soutiens Pac seront les contraintes environnementales », a souligné Christiane Lambert, présidente de la FDSEA.
Installé dans le canton de Saint-Georges-sur-Loire, Jérémy Leduc tente d’y croire encore, au-delà des astreintes du métier d’éleveur, des charges, des prix en berne. « La FAO prévoit qu’il faudra doubler la production alimentaire d’ici 2050. Y’en aura peut-être un peu pour nous les agriculteurs », espère-t-il. Son message s’adresse particulièrement à Dacian Ciolos, nouveau Commissaire européen à l’agriculture : non, « on ne brade pas l’agriculture au nom du libéralisme ». Face au désengagement et à la dérégulation, il s’agit de faire prendre conscience que, « derrière un numéro de pacage, il y a des hommes qui croient en leur métier ». Des hommes passionnés qui se lèvent pour aider leurs bêtes à vêler la nuit et qui gardent l’espérance en l’avenir. Son intervention sous forme de témoignage a marqué la salle.

Les relations du réseau syndical. Dans un contexte plus tendu depuis 2009, comment continuer à motiver les agriculteurs à s’engager dans l’action collective ? Les jeunes de Gennes-Doué, confrontés à un essouflement de leur mouvement, se posent la question, comme l’a exprimé Sébastien Jallier, président cantonal. Parfois peu de jeunes se déplacent aux réunions. Pourtant, « c’est bien tous ensemble collectivement que nous pourrons faire avancer les projets », est persuadé le jeune responsable, motivé pour relancer la mobilisation.
En 2009, la crise laitière a rendu très fragile la solidarité entre éleveurs laitiers et a suscité des tensions partout dans les campagnes. Denis Ménard, pour les Ponts-de-Cé, en a constaté les retombées dans son canton.
« À Angers Ouest, les producteurs de lait sont restés solidaires et se sont assez bien impliqués dans les mouvements syndicaux menés conjointement par JA 49 et la FDSEA », a remarqué Yann Cloarec, président cantonal. Pour le jeune responsable, les JA ne doivent toutefois pas « se laisser dériver vers une pensée hégémonique ». Au contraire, « amené par la force des choses à gérer des crises successives, JA se doit de revenir à davantage de débat interne ». C’est la solidarité entre producteurs qui doit primer, dans le but d’une construction collective, a-t-il souligné, invitant le syndicat à « recentrer sa politique sur l’humain ».

S.H.

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