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CONTRACTUALISATION
“Les industriels laitiers doivent maintenant entrer en négociation”

Alors que les propositions contractuelles sont arrivées chez les producteurs de lait, Henri Brichart* commente les propositions formulées par les industriels.

“Pour la FNPL, le fonctionnement normal de la contractualisation doit se faire par étapes” souligne Henri Brichart.
“Pour la FNPL, le fonctionnement normal de la contractualisation doit se faire par étapes” souligne Henri Brichart.
© A. CONTE/RÉUSSIR

Les premiers contrats des industriels privés sont arrivés dans les fermes laitières, comment les qualifiez-vous ?
Henri Brichart : il est difficile de donner un qualificatif à ces contrats qui sont hétérogènes. D’autant qu’on ne les a pas encore tous analysés. Il y en a de plus acceptables que d’autres. J’ai été surpris par certaines clauses que je qualifie d’inacceptables. Elles ne sont pas admissibles en l’état, notamment sur la question de l’expression syndicale, sur la notion de cessibilité ou encore du manque d’approche collective...

Bruno Le Maire a demandé aux  industriels, et notamment Lactalis de revoir leur copie. Quelle est votre stratégie syndicale ?
Pour la FNPL, le fonctionnement normal de la contractualisation doit se faire par étapes. Première étape : la proposition contractuelle. Deuxième étape : la négociation. Je ne comprendrais pas, qu’à ce stade, les industriels n’aient pas d’échanges avec les organisations de producteurs mais aussi avec la FNPL.

Qui va négocier avec les industriels, étant donné que juridiquement peu de propo-sitions contractuelles ont prévu la possibilité de basculer sur un schéma plus collectif ?
La FNPL va inviter, dès la semaine prochaine, les différentes structures qui regroupent les producteurs de lait. L’objectif est de faire entre 5 à 6 réunions avec ces interlocuteurs. L’objet de ces rencontres est de leur apporter notre expertise sur les propositions de contrats et notre analyse. Il faut aussi se mettre d’accord sur la manière et sur quels points doit s’engager la négociation avec l’industriel. Notre but est d’aller vite. À la FNPL, on met en avant la triple signature : celle du producteur, de sa structure collective même si juridiquement elle n’est pas encore totalement bordée et celle de l’industriel.

Ne craignez-vous pas des pressions de la part des entreprises ? Que risque un producteur qui ne signe pas ?
Des pressions morales sont toujours possibles. Ne nous voilons pas la face. Le producteur qui ne signe pas est dans le système antérieur et les jurisprudences s’appliquent. Juridiquement, l’entreprise privée n’est pas obligée de collecter le producteur mais, après, il faut qu’elle respecte une durée de préavis si elle décide de stopper la collecte. S’il ne signe pas, le producteur ne se retrouve pas sans rien. Surtout, il n’est en aucun cas dans une plus mauvaise situation qu’auparavant.

N’avez-vous pas l’impression que certains contrats très déséqui-librés traduisent simplement le fait que ces entreprises ne veulent pas de cette contractualisation ?
Il est clair que toutes les entreprises ne sont pas des fanatiques de la contractualisation. Le positionnement des entreprises face à cette contractualisation est donc très hétérogène. Il faut attendre de voir si les entreprises ayant proposé des contrats inéquitables acceptent de les négocier avant de tirer ce genre de conclusion.

La filière laitière, considérée comme mature dans la relation entre ses acteurs a longtemps été citée en exemple. N’êtes-vous pas déçu par ce qui se passe aujourd’hui ?
N’oublions pas qu’il nous était plus facile de bien fonctionner aussi longtemps que le secteur laitier était très encadré par Bruxelles. Même si le prix n’a jamais été encadré, la régulation nous rendait de grands services à ce sujet. Je ne suis pas déçu par ce que je vois se passer aujourd’hui dans la filière. Ce n’est pas le bon terme. Je m’attendais à ce que les acteurs de la contractualisation tentent d’y entrer en position de force. Ces turbulences ne me surprennent donc pas. Pas contre, je serai déçu si on n’arrive pas à progresser dans les propositions de contrats.

Le rapport d’orientation de la FNSEA précise que le transfert de propriété permet de “structurer durablement l’offre, ce qui
constitue une vraie arme économique pour le producteur”. Par contre, elle estime que la négociation collective avec mandat “s’apparente davantage à une défense collective syndicale”. Vous en pensez quoi, vous qui défendez une négociation collective économique et a-syndicale ?
Dans la structuration des organisations de producteurs avec mandat de négociation, je milite pour différencier le rôle de l’organisation économique et du syndicalisme. Le syndicalisme doit rester un contre-pouvoir. Je suis d’accord avec ce que défend la FNSEA par rapport au transfert de propriété. Mais je suis aussi pragmatique. Déjà, faire passer tous les producteurs de lait en transfert de propriété demanderait beaucoup de temps. Et pour le secteur laitier, le transfert de propriété est moins obligatoire car nous sommes moins “volatiles”. La particularité de la production laitière est d’avoir pour un producteur peu de possibilité de changer d’acheteur de lait. Le but du transfert de propriété doit être vu comme un aboutissement. Pour l’agriculteur, il est aussi beaucoup plus impliquant. Pour la filière laitière, une des vertus du transfert de propriété est la mutualisation.

Est-ce que vous avez une idée de la progression de la mise en place d’associations des producteurs sur le terrain ?
Il m’est très difficile de dire combien de statuts associatifs sont déposés à l’heure actuelle dans le cadre de cette organisation a-syndicale économique que nous souhaitons. Ce que je peux vous dire est que notre réseau s’active pour développer l’organisation collective là où elle n’existe pas et accompagner les groupements qui le désirent pour adapter leur statuts, leurs mandats...

Comment ces associations vont-elles cohabiter avec les groupements de producteurs des entreprises déjà existants ?
Certains groupements sont interpellés car il tombe sur leurs épaules des responsabilités nouvelles qui ne sont simples à gérer. Par exemple, il y aura un moment où les indicateurs de prix ne sortiront pas car ils ne conviendront pas à l’une ou l’autres des parties contractantes. On assiste à ce phénomène depuis 1997, date des premiers accords sur le prix du lait. Donc il faut prévoir dans les contrats une clause permettant, dans ces cas, une nouvelle négociation qui n’aboutisse pas à une décision unilatérale des industriels sur le prix du lait.

Est-ce que les industriels, conscients que le syndicalisme défendra toujours le prix du lait, n’utilisent pas les clauses sur les volumes comme une variable d’ajustement pour l’après quota ?
Il est clair qu’en termes de stratégie, les entreprises privées veulent moins de lait français. Déjà, parce que le développement de nos produits se fait dans des régions du monde où le prix du lait est moins cher. Les industriels privés veulent se préserver d’un afflux de lait supplémentaire et décider des volumes qu’ils achètent. Ce qui n’est pas choquant en soi. Mais on ne peut pas accepter que les industriels, seuls, aient la main sur cette gestion de volume dans l’après quota. Et on en revient au sujet du transfert de propriété. Certaines entreprises y sont très favorables. Peut-être plus au sein des PME. Elles n’auront pas ainsi à gérer l’amont de leur activité. Je considère que c’est un échelon supérieur dans l’organisation des producteurs.

PROPOS RECUEILLIS
PAR SOPHIE BAUDIN


* Président de la Fédération nationale des producteurs de lait.

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