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Cuma
Mutualisation du matériel : une révolution culturelle à opérer

Le tracteur en commun est une des pistes pour diminuer les charges de mécanisation. Si les résultats sont au rendez-vous, ce type d’organisation peine encore à fédérer.

Utiliser du matériel en Cuma, c’est bénéficier d’un parc performant, régulièrement renouvelé, ont rappelé les différents intervenants du colloque. 
Utiliser du matériel en Cuma, c’est bénéficier d’un parc performant, régulièrement renouvelé, ont rappelé les différents intervenants du colloque. 
© AA
Quels sont les freins au partage d’un tracteur en Cuma ? Et plus globalement au passage d’une organisation individuelle à une organisation collective ? Bruno Roche, sociologue, a tenté de répondre à la problématique posée par la Fédération régionale des Cuma et par la Chambre régionale d’agriculture, lors d’un colloque sur les charges de mécanisation et l’organisation du travail, le 25 janvier au Lycée d’Angers le Fresne.
Le sociologue estime que dans les stratégies d’investissements, en agriculture comme dans les PME-PMI, les facteurs psychologiques sont déterminants, au même titre, si ce n’est davantage, que les facteurs économiques. « Les choix que nous faisons ne sont jamais purement économiques. Il y a des critères plus irrationnels qu’on ne maîtrise pas », souligne Bruno Roche. Les résistances au changement sont nombreuses. Elles relèvent parfois de la peur : peur de quitter une situation que l’on maîtrise pour une nouvelle que l’on ne maîtrise pas, de passer d’un mode de production autonome à un mode collectif. « Comme toute situation nouvelle, cela nous place dans un sentiment d’insécurité », souligne le sociologue. Passer d’un mode de travail individuel à un mode collectif peut être vécu comme une perte. « L’autonomie est associée à la maturité et à des valeurs masculines comme la force, la puissance. Travailler ensemble, c’est accepter d’être dépendants des autres », explique Bruno Roche.
Autre frein : la représentation sociale. Un tracteur, au même titre qu’une voiture, participe aux signes extérieurs de richesse, à la reconnaissance sociale. « Ce sont des signes qui nous font exister, qui témoignent de notre réussite », souligne le sociologue. Autre résistance : la difficulté de faire cohabiter une logique patrimoniale et une logique entreprenariale. « Si on s’inscrit dans une logique de lignée, d’héritage, l’idée même de l’innovation est plus difficile à intégrer. Dans une logique entreprenariale, ce ne sont pas les biens qui importent, mais la valeur ajoutée que l’on dégage de son travail. Le projet d’entreprise est davantage tourné vers l’avenir ».
Travailler dans une organisation collective implique un transfert de compétences. La réussite de l’activité va dépendre de la relation à l’autre, ce qui recquiert des capacités d’écoute et de dialogue. « En agriculture, cela peut être vécu comme une perte de temps, car il y a une conception du travail liée à l’énergie, la puissance. C’est une révolution culturelle. Passer de l’individuel au collectif, cela déplace les repères, d’où la nécessité d’un accompagnement ».

Des démarches innovantes à valoriser
Comment alors vaincre ces freins ? Bruno Roche insiste sur l’importance de « doubler les études techniques par des témoignages pour faire redécouvrir l’intérêt de travailler ensemble ». Il préconise aussi de mettre en avant la richesse de ce type d’organisation. « Il faut montrer que c’est le sens de l’histoire, que c’est innovant, que le mouvement Cuma n’appartient pas à l’histoire, mais qu’il la construit. Dans un monde où tout devient obsolète très vite, les gens ont besoin d’apprécier ce qui leur donne un peu d’avance », insiste Bruno Roche.
Le sociologue est convaincu que, dans le contexte européen actuel, les agriculteurs ont beaucoup à gagner de la mutualisation de leurs moyens. « Dans les années à venir, nous serons plus que jamais sur la réduction tous azimuts des coûts. Cela doit correspondre à une réflexion sur la valorisation de la valeur ajoutée. Les agriculteurs devront se donner le temps de cette réflexion ». Un point de vue partagé par Georges Plessis, de la Chambre régionale d’agriculture : « Il faut accepter quelquefois de faire intervenir chez soi, qu’il s’agisse d’emploi partagé, d’une Cuma ou d’une ETA, quelqu’un de plus compétent. Avoir plus de temps pour être chef d’entreprise, chef d’exploitation, c’est aussi ça l’autonomie ». Delphine Jégo

Témoignage

Un plus grand confort de travail et davantage d’entraide

Président de JA 72, Gaël Gauthier, céréalier en Sarthe, s’est installé en 2000 sur une exploitation de
169 hectares. « Elle nécessitait des capitaux importants à reprendre avec du matériel en bout de course. J’avais la volonté de travailler avec du matériel performant. C’est ce qui m’a fait revendre tout ce matériel de reprise d’exploitation pour rejoindre une Cuma où j’ai intégré un sous-groupe de quatre pour les semis et la récolte ». Cette configuration restreinte offre l’avantage d’une certaine souplesse en termes d’organisation. « Nous nous sommes tous mis d’accord pour adopter une technique de semis simplifié, mais nous avons gardé notre matériel de semis traditionnel, ce qui nous permet de reprendre la charrue si besoin », précise le jeune agriculteur. Le matériel est dimensionné au plus juste des besoins des quatre exploitants, avec un tracteur de 130 chevaux pour 300 hectares de terres. « Travailler en commun apporte du confort. Nous savons que les collègues sont là en cas de problème. Chacun donne un coup de main. Au moment de la récolte, nous faisons les chantiers ensemble de ferme en ferme ». Le président de JA72 apprécie de pouvoir dégager du temps pour ses responsabilités professionnelles. « La mutualisation,
cela met le pied à l’étrier aux jeunes et cela peut être un moyen de diminuer les montants de
reprise ».

D.J.

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